Dés le IXème siècle, Ardennais et Magyars se sont rencontrés. Pour les hongrois, l'histoire est plus ancienne: en effet, Saint Martin, l'apôtre de la campagne française est venu de Hongrie prêcher le partage. Les besoins de notre zone économique en perdition sont tels que cet exemple est peut-être à l'origine de votre visite et vous incite à vouloir faire le même geste que cet illustre prédécesseur issu du même terroir que vous Ensuite, Jacques de HONGRIE ( Eh oui, JACQUES !) vient en France soulever les « pastoureaux » afin de faire revenir St Louis et d'écarter du pouvoir tous les nobliaux qui gravitaient autour de Blanche de castille pour recevoir leur prébende extorquée aux miséreux Enfin, dernier hongrois à surgir tout caparaçonné de ma mémoire, ANDRE II de HONGRIE, qui prit la tête de la Vème croisade pour chasser l'infidèle qui menaçait le royaume franc de JERUSALEM. Votre pugnacité à bouter l'étranger hors de FRANCE vient-elle de ces relents d'une période où il n'y avait point de salut hors de la religion d'état
Lequel de ces costumes allez-vous endosser ? Mais, tel le sphinx, vous restez mystérieux sur vos choix. Vous venez dans les Ardennes alors que vous êtes à la tête de la police! Quel symbole! S'il se veut provocateur, peut-être les Ardennais vont-ils vouloir vous imposer un autre costume, moins glorieux, celui de ces chefs de guerre envoyés en reconnaissance par ARPAD 1er, conducteur du peuple magyar, à la poursuite d'un eldorado, d'une chimère en Europe de l'Ouest.
Comme vous le savez, les ARDENNAIS, sous la direction de l'archevêque HERVE, appuyés par des REMOIS, écrasèrent à VILLEMONTRY prés de MOUZON ces envahisseurs qui rentrèrent tout penauds dans la plaine danubienne.
Certes, ce préambule est un peu long, mais il est en harmonie avec la surprise de vous voir ici.
L'aménagement du territoire est de votre responsabilité. Celui des territoires ruraux en particulier passe par : l'agriculture, les infrastructures et la formation des hommes.
Par l'ancienneté de son ancrage sur le territoire, le Lycée Agricole public de RETHEL a su donner à la Champagne- Ardenne des cadres compétents. Nos élèves, étudiants et certains professeurs, sont la quatrième génération à y suivre ou donner une formation initiale. En feuilletant le Grand Livre du lycée, quelques uns d'entre nous y retrouvent l'ancêtre du siècle dernier, un grand-père, des oncles, des cousins. Les anciens du Lycée de RETHEL se retrouvent aujourd'hui à la tête de nombreuses exploitations agricoles de la région, de grandes entreprises locales de transports, de banques, d'assurances ou de chambres consulaires, etc. Malgré tout, un sentiment d'échec m'étreint quand se serrent autour de nous les centaines de sans ressources en échec d'intégration sociale. Un échec total, absolu. Que s'est il passé?
- Le lycée qui a formé les hommes et les femmes de la réussite pour la première Politique Agricole Commune, n'a pas su les former (comme la plupart des autres lycées agricoles), à une remise en cause totale de leur métier. Ils ont donc participé aux coeurs antiques qui, à chaque tentative pour modifier fondamentalement la PAC, entonnaient le refrain de la ruine des paysans. Nos structures étant humaines, le confort des choses sues étant plus attirant que l'inconnu, les hiérarchies pyramidales très résistantes à l'innovation, la démocratie locale une douce rêverie de bureaucrate, rien n'a pu faire dévier de sa route le Lycée d’Enseignement Agricole de Rethel…. Il fallait être de ceux qui ont des vaches à dix mille litres de lait de rendement, de ceux qui ont des blés à cent quintaux. L'ostracisme était prononcé contre ceux qui se mettaient en travers de la machine. Incitation à la mutation, harcèlement moral, condition de travail difficile, tout a été bon pour faire taire les originaux qui refusaient d'oublier que l'exploitation du lycée n'a pas qu'une vocation de production mais doit être aussi et surtout un instrument de recherche et de réflexion sur les agricultures possibles
- Les instruments de régulation pour les terres et les autorisations de production n'ont pas su ou pas pu, faute de moyens et d'exemples de systèmes innovants, empêcher la concentration des terres et la disparition des paysans. Mauvaise pioche pour l'aménagement ! Les nouvelles exploitations mises en place ont permis une stagnation des revenus par exploitant et par voie de conséquence, une diminution de la valeur ajoutée produite par les paysans
- Quant aux missions d'animation de la coopérations internationale, la possibilité pour le Lycée d'y prendre part ne peut s'envisager que sur la base du « bénévolat » : Les missions internationales doivent être assurées sur le temps des vacances scolaires, sans compensation d'aucune sorte. Ce qui n'incite pas y participer. Si l'enseignant part sur le temps scolaire, on lui reproche de nombreuses absences et de ne pas remplir ces obligations de service.
Avec un management de comptable, vous aurez certainement des comptes équilibrés, mais vous stériliserez les potentiels d'innovation, vous tarirez les productions non marchandes des fonctionnaires. En effet, grâce au peu de considération qu'ils tirent de leur engagement, ils ne participent plus à la vie des associations attachées aux établissements.
Vous leur imposez une chasse aux sponsors parfois dégradante pour mener à bien des projets pédagogiques.
Les coupes sombres qui sont faites dans l'enseignement et la recherche d'aujourd'hui sont des coupes sombres que vous faites à l'économie de demain.
Pierre DURAND
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