Cher(e) Camarade,
Le résultat du scrutin du 7 juin a été
un échec pour notre parti. Je mesure votre déception, vous militants qui avez
mené cette campagne auprès de nos candidats, défendant sans relâche notre
volonté de changer l’Europe. Je connais aussi le découragement voire la colère
de certains d’entre nous après nos échecs successifs aux élections
présidentielles et législatives que n’ont pas fait oublier nos succès
locaux.
Certes,l’ensemble de la social démocratie en Europe est
en crise, ayant souvent, ces dernières années, faibli sur ses valeurs et été
dans l’incapacité de renouveler ses réponses. Mais nous avons bien sûr notre
responsabilité propre, et j’en prends ma part. Face à la violence de la crise et
de la société, les Français attendent de notre parti qu’il parle de leur vie et
de leur avenir. Ils jugent nos réponses insuffisamment fortes. Ils ne supportent
plus les divisions, les petites phrases de dénigrement et le bal des ego. Ceci
doit définitivement cesser.
Pour que cet échec ne se reproduise
pas, le moment est venu de rebâtir enfin le lien de confiance
entre notre parti et les Français. Le sursaut doit être à la hauteur de leurs
attentes. L’heure n’est pas à la rénovation de façade ou au replâtrage de
circonstance. Nous devons changer nos pratiques et engager sans délai la
refondation de notre projet et la transformation du Parti
socialiste.
J’ai la conviction que nous en avons les
ressources, individuellement et collectivement, forts de notre histoire et de
nos valeurs. Vous m’avez confié la direction de notre parti. Soyez sûrs que je
mets mon énergie et la force de mon engagement au service de cette double tâche
historique.
Les Français nous parlent franchement et nous disent : « Le monde
a changé, pas vous, pas votre projet ». J’en suis convaincue, c’est la
force de notre projet qui nous permettra de renouer avec les
Français.
Chacun le sait, nous devrons répondre aux enjeux qui
sont devant nous : l’explosion de la précarité et des injustices de toutes
sortes entre individus et entre territoires, l’économie affaiblie par la
concurrence mondialisée et la finance, l’école et l’ascenseur social en panne,
les chocs écologiques, les déséquilibres du monde...C’est le modèle de
société dans son entier qui doit être refondé.
Nous
devons d’abord nous poser la question essentielle de la société du
bien-être. Faut-il continuer à accumuler des biens, lesquels, et pour
quelle utilité ? Comment construire un système innovant, assurant
l’emploi, préparant l’avenir et à même de distribuer
justement les richesses ? Avec quelles conditions de travail et de
respect de la planète et de ses ressources ? Quels services
créer pour que la qualité de vie de chacun soit réelle ? Comment mieux vivre,
échanger et travailler dans la société numérique ? Voilà des questions majeures
qui s’inscrivent dans notre travail sur le nouveau modèle de
développement économique, social et durable que nous préparons, et qui
fera l’objet de notre première grande convention début 2010. Elle se déclinera
ensuite dans différentes directions, le travail, la fiscalité, le renforcement
et la modernisation de la puissance publique et des services
publics…
Nos concitoyens nous demandent à juste titre de mieux
prendre en compte leur identité et leurs aspirations individuelles. C’est par
exemple tout l’enjeu de la refonte de l’éducation que nous
devons porter, mais aussi d’une société capable d’intégrer les personnes
âgées et de trouver les ressources financières et humaines pour les
accompagner jusqu’au bout de leur vie.
Comment articuler cette
volonté de chacun d’être reconnu et respecté, avec l’exigence de faire de chacun
un citoyen respectueux des règles et des autres, en même temps qu’un acteur de
la société ? Ces questions sont lourdes de sens et rendent nécessaire
l’articulation entre autorité et libertés. Elles nous amènent aussi à concevoir
autrement la ville du XXIe siècle, qui rapproche au lieu d’isoler, qui intègre
au lieu de segmenter, qui économise l’espace et l’énergie…
Comment faire vivre la France, ses valeurs, son identité, sa laïcité et son
pacte républicain et mieux assumer notre diversité ? Comment
recréer du lien social et l’envie de vivre ensemble ? C’est par exemple en
réponse à ces questions que doit se poser la réflexion de la gauche sur la
culture et la création.
Ce sont des questions complexes mais que
les Français nous posent car je sais, comme vous, qu’ils ne se satisfont pas
d’une société douce avec les forts et dure avec les faibles, d’une société qui
divise au lieu d’unir. Ils réclament de la justice mais aussi
une autre façon de vivre ensemble.
C’est tout
l’enjeu du travail que nous avons entrepris, que nous devons approfondir avec
les intellectuels, les acteurs de la société mais aussi avec les Français.
Je veux leur donner la parole à chaque étape. C’est ma
conviction mais aussi la vôtre, je le sais : on n’élabore plus un projet en
circuit fermé.
Nous voulons une démarche innovante, énergique et
féconde, hors les murs de Solférino. Pour discuter de l’ensemble de ces
questions, mais aussi pour entendre les Français et débattre avec eux, nous
organiserons dans chacune de nos fédérations des rencontres associant, au-delà
des militants de notre parti et de nos élus, l’ensemble des forces de la
transformation : les associations, les syndicats, les intellectuels, les
citoyens engagés. Des camarades de la direction et moi-même serons à vos côtés
dans un tour de France que nous entreprendrons à l’automne.
Nous
ne partons pas de rien. Nous pouvons nous appuyer sur les combats de ceux qui
nous ont précédés, sur la vigueur des mouvements associatifs, sur notre
expérience des responsabilités locales et nationales. Ce sont toutes ces
énergies, celles des acteurs de la gauche du quotidien, que nous devons
rassembler, fédérer et mettre en mouvement. Ces échanges participeront à
l’élaboration, d’ici à 2011, de notre projet, dans laquelle chaque militant
devra pouvoir s’investir pleinement.
Nous devons également engager une nouvelle démarche de
rassemblement de la gauche. Ensemble, j’en suis convaincue,
nous pouvons gagner. C’est pourquoi j’appelle de mes voeux la construction d’une
Maison commune de toute la gauche. Ce terme laisse ouverts tous
les chemins que nous voudrons emprunter ensemble. Nous devons élaborer un projet
commun de la gauche en 2012, mais aussi une stratégie politique commune pour
l’emporter.
Notre démarche s’adresse bien sûr aux partis de
gauche qui aspirent à gouverner ensemble, socialistes, écologistes, communistes,
républicains ou citoyens. Mais nous devrons aussi prendre des initiatives avec
tous ceux, syndicats, ONG, acteurs de la société, qui partagent nos engagements
et se retrouvent dans les combats d’aujourd’hui pour la justice sociale, les
libertés et les droits, le développement durable. Nous devons agir et réfléchir
ensemble au niveau national comme au niveau local. Je souhaite que de tout cela,
nous discutions avec nos partenaires, sans préalable et sans souci hégémonique.
J’ai déjà pris des contacts en ce sens avec les dirigeants des différents partis
de gauche. C’est ensemble que nous devons définir la méthode pour avancer.
C’est dans le cadre de ce double mouvement d’ouverture aux
Français pour préparer notre projet, et de discussion avec les partis de gauche,
que doit se situer notre réflexion sur les modalités des
primaires pour le choix du candidat à l’élection présidentielle.
Faut-il des primaires ouvertes aux sympathisants du Parti socialiste ? Faut-il
des primaires communes à l’ensemble de la gauche ? Ces questions se posent comme
tant d’autres et nécessitent un débat en notre sein, mais aussi avec l’ensemble
de nos partenaires.
Mais soyons en sûrs, ce n’est pas un
dispositif technique. Ce n’est pas non plus une solution miracle qui répondrait
à tous nos maux : après ce qui vient de se passer, les Français ne
comprendraient pas que l’on se préoccupe de parler de notre candidat à la
présidentielle plutôt que d’apporter les réponses à leurs préoccupations. Les
primaires sont un élément à intégrer dans une démarche politique
d’ensemble.
En tout état de cause, en ce qui concerne le Parti
socialiste, ce sont les militants qui devront décider de cette
question, je le souhaite, avant l’été 2010. C’est à ce moment là que
devrait avoir lieu la Convention sur la rénovation, qui
tranchera aussi bien d’autres questions : les nouvelles formes de militantisme,
les cumuls, le renouvellement et la diversité, les modes d’élections internes...
Tout est ouvert, dès lors que ces propositions se font dans le cadre d’une
réflexion politique approfondie.
Ce double chantier de refondation de notre projet et de la gauche
doit mobiliser toutes nos énergies. Mais ce travail de reconstruction ne doit
évidemment pas laisser de côté notre action quotidienne d’opposition et de
proposition, que ce soit auprès des Français ou au Parlement. Dans cet esprit,
nous préparons par exemple une journée consacrée à l’emploi pour la
rentrée.
C’est dans le même esprit que nous devons préparer les
élections régionales. Il nous faut allier la force d’un projet
commun et les propositions propres à la spécificité des cultures et des
territoires régionaux. Nous devons définir nos alliances électorales ainsi que
des principes de renouvellement et d’ouverture, laissant bien évidemment
l’autonomie nécessaire aux régions pour composer les listes qui nous feront
gagner. Le parti travaillera dans les semaines qui viennent avec les régions
sur ces différents points, et les conclusions seront actées par nos instances
nationales.
Notre parti, dont les sensibilités sont aujourd’hui
réunies, doit être plus performant dans son organisation pour
accompagner l’ensemble de ces tâches ; j’y veillerai.
Dans les deux ans et demi qui viennent, nous aurons le temps du
débat et de la délibération collective. A chaque étape importante du projet -
dont un calendrier prévisionnel est joint à ce courrier - je souhaite que les
militants puissent exprimer de manière très libre leurs analyses, leurs idées et
faire part de leurs propositions.
D’ores et déjà, si vous voulez
réagir aux grandes orientations que j’ai tracées ici, et nourrir la réflexion de
nos instances dirigeantes qui se réuniront en séminaire le 7 juillet pour le
lancement du projet, vous pouvez le faire - si possible avant le 3
juillet - par mail à
[email protected], ou par courrier (Parti
socialiste, Premier Secrétariat - Feuille de route, 10 rue de Solférino, 75007
Paris).
Cette liberté de ton, cette nécessité d’expression, cette
volonté d’ouvrir notre parti doivent être au cœur de chacun de nos futurs
rendez-vous, de l’Université d’été de La Rochelle à l’adoption de notre projet
en 2011.
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